On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen
Présentation
Né en 1943 en Anjou où il réside, Paul Badin
a été professeur de lettres puis coordonnateur lecture-écriture
à la Mission d’Action Culturelle du Rectorat de Nantes
(formations et montages de projets pour enseignants et bibliothécaires,
lectures, rencontres, ateliers d’écriture…) Il
fut aussi le président et fondateur du Chant des mots (saison
poétique et littéraire d'Angers), et est actuellement
directeur de publication de sa revue de poésie semestrielle,
N4728. Il a publié de nombreux ouvrages. Sa poésie
alterne librement vers et prose.
Paul Badin -
extrait de Ricercar
dans le train de 17h55
Assis
vides
face à face muet de banquettes
yeux mi-clos
prunelles glauques
regards de verre blanc
fonctions vitales
déconnectées
guimauve des fatigues
la vacance comme liant unique
pulsions dévitalisées.
Un éclat de rire de fillette
troue la torpeur
ce jaune est saugrenu.
Paul Badin - extrait
de Loire
Les forges, samedi matin 3 juin
De
grandes brumes gomment les contours, la chair même de l’intime
pays
Seules quelques
minces silhouettes d’ombre trem-
blotent dans les moiteurs de lin clair
Reste le sentier,
brin amont, fil aval, pour ratta-
cher au pouls matriciel
Le regard
n’y scrute que mieux sa trace
Le fourreau
d’effluves de foin, bien au chaud sous le drap, ne lâche
pas la
main
Dans ses inflexions
basses, le sentier émerge à peine des boues d’orage
Relevé,
les graminées le frôlent et l’enjôlent
En sa crise
d’opacité végétale, une soudaine marée
d’orties l’étouffe
Ce qui fait
signe, au fond de l’éclaircie grise, déchiffre
de profondes
obsessions
(Loire, Tarabuste Editeur, p.30)
Paul Badin - extrait
de La Loire en barque ce matin
Loire en tendre réveil : une sonate en bleu majeur,
une fièvre de frissons bleu acier
Sous la brise fraîche qui aère le lit,
un miroir sans tain ni tache où se féconde l’âme
Une laque bleu garçon habille le goudron noir
de longue étrave
On a lavé le ciel avec de l’or, en témoignent
les clins d’œil en iris jaunes sur la nappe des berges
Au voisinage, l’intempestif brassage de roches, d’écume,
de troncs d’arbres, l’assourdissante rupture
de l’arrachement, les rapides et le départ
Appel d’îles alanguies sur leur siège de sables
blonds
Dans le champ solitaire, à peine séparée par
le sentier aux herbes,
une première lignée de jeunes plants fuse,
indifférente à ce qui se trame hors d’elle
Rien n’est plus fragile que l’équilibre du jour,
la vie seule en illumine le prix
Paul Badin - extrait
de Les plis du temps
L’Etranger
Il ne nous intéresse pas !
tant de différences font une anomalie
et choquent nos habitudes
effraient nos certitudes
menacent notre quiétude.
La peur – cette lèpre noire –
noie les bonnes intentions
corps roidis
visages envahis
regards ensevelis.
Mur des rejets
ou rideau de haines
tétanisent bétonnent
le cœur étroit :
l’Autre est si maladroit…
Fermeté de l’exclu
sous l’affût des violences
ses bouffées de sang invitent
à partager la vie :
blindage où perce une innocence.
Le muscle brun d’une confiance
roc déjà
le puits d’un regard où
témoigne une lumière
surprennent tant de piétinements.
Un unique élan
de l’épaule au front
parcourt l’épieu trempé de courage
creuse une faille
impose une présence.
La vitre de l’effroi
- fumée opaque, enfermement –
qu’elle se brise ! et qu’apparaisse une tête
neuve pour chaque jour
- azur qui reconvoque un horizon !
Paul
Badin - extrait de Aspects riants (indédit)
y regarder de plus près
ceux-ci s'habillent en dimanche le dimanche, rencontrent Dieu, la
famille, les plaisirs licites
ceux-là s'habillent en dimanche les cinq jours de la semaine,
adorent le veau d'or,
ses gloires et ses lois
y regarder de plus près : les habits de dimanche du dimanche
sont-ils plus empesés ou moins vains que ceux de la semaine,
l'inverse ou c'est pareil?
considérer aussi ceux qui ne s'habillent pas, vêtus seulement
de leurs aguets, de leurs doutes et d’un jean unique, d'eux-mêmes
en somme
Repères, 1979 (épuisé) (encres
et fusains de François Le Ru)
Dans la poussée du lierre, 1980 (épuisé)
Le chant de la poulie, 1983
Les tables du soleil, 1983,86 (consacré
à la Grèce)
Le secret de l'étoile, 1986
Isotopie-oratorio, 1986
Fluences, 1987
Bribes de mai, sueurs d'été, 1987
Arauco ou l'énigme de l'œuvre, 1987
(consacré à la lutherie; avec François Bon
et Ricardo Perlwitz) (épuisé)
Le 31 octobre, 1987
Fragments des Busclats, 1988 (consacré
à René Char) (épuisé)
Terre, 1988
Café grec, 1988 (consacré à
la Grèce)
Passante inépuisable, 1989
Seuils de silence, 1989
Permanence du fleuve, 1990, 2° édition
1992 (consacré à la Loire; photographies de Jean-Luc
Courtois)
Pariade, 1991
Lit majeur, 1992 (anthologie de poèmes
d'amour) (épuisé)
Chez les éditeurs :
Les plis du temps, Ed. Caractères, 1995
Clair de Chine, Ed. Soc et Foc, 1996, traduction,
calligraphie, peinture : Yan Wenli et Cheng Jing Ping (épuisé)
Krama, Ed. Pays d'herbes, 1996 (Cambodge), bois
gravé couleurs : Liselotte Voellmy
Pureaux, Ed. Cahiers bleus, 1998
Ricercar, Ed. L'Amourier, 2000
Onze d'été, Ed. Tarabuste, Triages
n°13, 2001
La Loire en barque ce matin, Ed. José
Saudubois, 2002, photographies noir et blanc : José Saudubois
Loire, Ed. Tarabuste, 2005, peinture de couverture
: Martin Miguel
Rives Sud, Ed. Le chat qui tousse, 2006, gravure
noir et blanc : Gérard Houver
Chantier mobile/Bewegliche Baustelle, Verlag
Im Wald/Editions en forêt, 2006, gravures noir et blanc
: Gérard Houver
Jardin secret, L’Aile Editions, 2007, 30
gravures couleurs et noir et blanc : Gérard Houver
l’auteur est traduit en allemand et
en chinois
Publications en revues : Arpa,
Basilic (l’Amourier), Bulletin du Cabal (Ed. du Bon Albert),
Cahiers de Poésie-Rencontres, Carnet des Lierles, Décharge,
Littérales, N4728, Printemps de Durcet (Cotcodi & Chemin
des Poètes), Rimbaud Revue, Saltimbanques, Traction-Brabant,
Trémalo, Triages (Tarabuste), Verso
Expositions, livres d’art :
Heures et couleurs de Loire : 12 séries
de six photos couleurs (format 20 x 30), textes P.B., 2000.