TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

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Trois poètes indiens ~ Traduits par Roselyne Sibille

 


Sampurna Chattarji

So tell me.
Is it hot?
Does it rain?
Are there places
you can sit on a sunny day,
away from the crowd?
Is it beautiful?
Is it loud?

What do the streets smell like?
What do the women wear ?
Are they pretty?
Do you love it?
Could you leave it?
Will I like it
if I come?

Alone, away from home, we exchange our cities
like vows.


Alors, raconte-moi.
Fait-il chaud ?
Est-ce qu'il pleut ?
Y a-t-il des endroits
où l'on peut s'asseoir
par un jour de chaleur,
à l'écart de la foule ?
Est-ce que c'est beau ?
Est-ce que c'est bruyant ?

Quelle est l'odeur des rues ?
Que portent les femmes ?
Sont-elles jolies ?
Aimes-tu cet endroit ?
Pourrais-tu le quitter ?
L'aimerai-je si je viens ?

Seuls, loin de chez nous, nous échangeons nos villes
comme des vœux.

 


MEENA KANDASAMY

i dream of an english
full of the words of my language.
an english in small letters
an english that shall tire a white man’s tongue
an english where small children practice with smooth round
pebbles in their mouth to the spell the right zha
an english where a pregnant woman is simply stomach-child-lady
an english where the magic of black eyes and brown bodies
replaces the glamour of eyes in dishwater blue shades
and the airbrush romance of pink white cherry blossom skins
an english where love means only the strange frenzy
between a man and his beloved, not between him and his car
an english without the privacy of its many rooms
an english with sufixes for respect
an english with more than thirty six words to call the sea
an english that doesn’t belittle brown or black men and women
an english of tasting with five fingers
an english of talking love with eyes alone
and i dream of an english
where men
of that spiky, crunchy tongue
buy flower-garlands of jasmine
to take home to their coy wives
for the silent demand of a night of wordless whispered love...

Je rêve d'un anglais
plein des mots de ma langue
un anglais en lettres minuscules
un anglais qui fatiguerait la langue d'un blanc
un anglais pour lequel un petit enfant s'entraînerait
avec des cailloux ronds et lisses dans la bouche
à prononcer le zha exact
un anglais où une femme enceinte serait simplement une dame-enfant-ventre
un anglais où la magie des yeux noirs et des corps bruns
remplacerait le glamour des nuances bleues en eaux de vaisselle
et le roman d'aérographe des peaux du blanc-rose des fleurs de cerisiers
un anglais où amour signifierait seulement l'étrange frénésie
entre un homme et son aimée, et non pas entre un homme et sa voiture
un anglais sans l'intimité de ses nombreuses pièces
un anglais avec des suffixes pour le respect
un anglais avec plus de trente six mots pour parler de la mer
un anglais qui ne rabaisserait pas les hommes et les femmes bruns ou noirs
un anglais qui goûte avec les cinq doigts
un anglais qui puisse parler d'amour seulement avec les yeux

et je rêve d'un anglais

où les hommes
de cette langue à pointes, croquante
achèteraient des guirlandes de fleurs de jasmin
à rapporter chez eux à leurs épouses modestes
pour demander silencieusement
une nuit sans mots
d'amour murmurant…

 


ARJUN CHANDRAMOHAN BALI

Blue

from behind a window
of my own world
colourless, i watch
people pass me by
oh, you who breathe
flash me a smile
stain my heart awake
make me chase a rainbow
half above the calm waters
that reflect an unknown sky
named in colours you dressed
i am the island you see
visit me, my love
and drink these colours
that hold me prisoner
and release my gaze
maybe then, in that union
i will dissolve
your wandering heart
with the love i seek


Bleu à l'âme

derrière une fenêtre
de mon propre monde
sans couleur
je regarde
les gens qui défilent près de moi

oh, vous qui respirez
lancez-moi un sourire
réveillez mon cœur
faites-moi poursuivre un arc en ciel
à moitié émergé des eaux calmes
reflétant un ciel inconnu
portant le nom des couleurs que tu choisis

je suis une île, vois tu
rends-moi visite, mon amour
et bois ces couleurs
qui me gardent prisonnière

libère mon regard
peut-être qu'alors dans cette union
je dissoudrai ton cœur vagabond
avec l'amour
que je recherche

 


A lire aussi : La traduction par Roselyne Sibile, entretien par Cécile Guivarch

 
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