TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Voix du monde

 

Retour aux voix du monde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 


La traduction par Roselyne Sibille, entretien par Cécile Guivarch

On dit que la traduction est un art difficile. Quel est ton avis ? En quoi est-ce que cela est-il difficile ?

Oui, la traduction poétique est un art difficile pour toutes sortes de raisons.

D'abord parce que la langue poétique contourne la syntaxe et associe les mots de façon inhabituelle afin de créer des images nouvelles, des rythmes inattendus qui créent un choc sensible. L'émotion et l'ambiance d'un poème tiennent aux mots employés et comment ils s'agencent entre eux (rapport de sens et de sons). Ce travail d'écriture joue avec les assonances, allitérations et musicalité de la langue d'origine et il n'est parfois pas possible de trouver un équivalent dans la langue d'arrivée sans détourner trop le poème. Il y a forcément une perte. L'enjeu est, au delà du sens bien sûr, de rester le plus possible dans l'atmosphère du poème.

Un poème traduit ne doit pas être l'ombre déformée du poème d'origine à cause d'une traduction trop littérale, mais un nouveau poème dans la langue de traduction. Un nouveau poème le plus proche et fidèle possible à "l'essence" du poème d'origine. Or, les langues n'ont pas les mêmes "consistances". Le poème a les réactions les plus sensibles à ces modifications de consistance dues à la traduction. C'est pourquoi les grands traducteurs sont poètes eux-mêmes.

Enfin, la traduction poétique demande une proximité de sensibilité entre le traducteur et l'auteur. C'est pourquoi il est intéressant pour les deux -quand ils sont contemporains- de se connaître !

Est-ce qu'en tant que poète la traduction est pour toi une nécessité pour ton propre travail d'écriture ?

La traduction me permet de m'interroger sur chaque mot et d'observer comment il interagit à l'intérieur du poème d'origine. Je découvre des ouvertures et des profondeurs dans ma propre langue confrontée aux possibilités d'une autre langue. Ou bien j'aperçois les limites de ma langue et cela m'emmène vers la recherche d'autres passages pour l'écriture.

De plus, les images utilisées par le poète appartiennent parfois spécifiquement à sa culture. Rencontrer ces images est comme un voyage. Les glissements de sens se font entre les mots du poète, et un autre vocabulaire qui ne correspond pas exactement à ce qu'il sous-entendait dans sa langue. Chaque langue porte un monde culturel… C'est passionnant.

Comment choisis-tu les auteurs que traduis ?

J'ai été invitée en décembre 2010 à participer à un atelier de traduction poétique en Inde, organisé par "Literature across frontiers", et le German Book office. J'ai donc traduit les poètes indiens qui faisaient partie de cet atelier et écrivent en anglais (et d'autres poètes que j'ai ensuite rencontrés en Inde). Nous avons passé dix jours ensemble pendant lesquels nous parlions des traductions pour les préciser et les ajuster ensemble.

Une anecdote concernant un de mes poèmes : lors de l'atelier de traduction, Arjun Bali traduisait un de mes poèmes en hindi. Il a buté sur ce vers ""Une araignée hésite son tiret d'or dans l'invisible" en me disant : "En hindi, nous n'avons pas de ponctuation : le mot "tiret" n'existe pas. C'est à l'arrivée des anglais en Inde que nous avons découvert la ponctuation de l'Occident." Il a cherché avec la poète Sampurna Chattarji comment rendre cette image du tiret qui hésitait dans la lumière.

Lorsque l'on traduit, comment cela se passe au niveau de l'édition ?

Je ne sais pas. Nos traductions de l'atelier feront l'objet d'une édition en Inde mais je suis incompétente dans ce domaine.

A lire aussi : Trois poètes indiens, traduits par Roselyne Sibille


 
Textes et photos - tous droits réservés