TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

L'arbre à parole ~ Hep ! Lectures fraîches !
(janvier 2013)

 

Retour à l'arbre à parole

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 


Maryse Hache, je ne connaissais pas son écriture de son vivant, et je le regrette bien. J’ai téléchargé sur publie.net Abyssal cabaret. Et si je ne devais en dire qu’un mot ce serait : admirable ! Ce texte, mis en scène au théâtre, débute en ces termes : «la femme dont nous racontons l’histoire sait bien que le théâtre s’effondre», et tout le long du texte ces mots «la femme dont nous racontons l’histoire», reviennent et le rythment. Alignée à gauche, une partie qui raconte cette femme, la suit dans sa déambulation à travers des charniers, des paysages de guerre ou sur la trace de ses ancêtres. Le tout est ponctué de ciel bleu. Aligné à droite, la femme s’exprime avec une langue différente de celle de la narration. Il s’agit d’une histoire, pas seulement celle de la femme, mais celle de beaucoup de femmes à travers les générations, histoire qui nous vient des origines, histoire de sang mais aussi de la beauté du monde. Finalement, à la fin, le voile se lève et de la femme apparaît l’actrice qui nous livre ce message :


elle ne savait rien de l’effondrement
elle ne savait rien de la lumière
elle ne savait rien de la vie
elle vous disait

la vie est à vivre sans la savoir

et pour le plaisir de lire encore un petit peu :

tu traverses le 11 novembre, vivante d’un aïeul
revenu vivant de Verdun, mort plus tard, chair à vers
quand même, mais après une vie entière
entre les trépassés et les reliques
à part les morts il y a quelqu’un
oui il y a quelqu’un
il y a quelques uns
dans la vie
dans la beauté du monde
coûte que coûte

*

la mère du père de mon père s’appelait léonie
sur le chemin de la vie
elle fabriquait neuf enfants
elle a été tuée par la mort dans sa maison de
boulogne-sur-mer
et je lui tisse une écriture
linge de coquillages
pour vous le dire
et je vais allumer une bougie
qui donne lumière sur son pas de calais
le père du père de mon père s’appelait... prénom
disparu

sur le chemin de la vie
petits ou grands événements disparus aussi
la mort l’a tué en quel espace
et je lui tisse une écriture
linge de haillons
pour vous le dire
et je vais allumer une bougie
petite lumière du ténu

Hommage à Yves Landrein, fondateur des éditions La part commune. Il venait de publier 77 poèmes et des poussières d’Olivier Cousin. Comme me dédicace l’auteur «Pour Cécile G. qui, tout comme moi je le sais, aime jouer avec la poussière du vécu et des origines.» Avec une telle dédicace comment ne pas être interpellée ? Recueil de poèmes où chaque distance est témoin des origines, des coutumes qui s’effacent. On peut le lire à la manière d’un carnet de voyages, de lieux où les terres et les langues se croisent. La nature, les oiseaux, les animaux sont très présents et permettent que «se poursuivent ainsi des voyages inédits» aux côtés de la vie, du temps qui passe, des choses du quotidien (le frigo, la lessive), des petits et des grands événements (un onze septembre qui rivalise avec un dix janvier où l’on prépare le pot-au-feu), aux deux extrémités de l’enfance et de la mort.


 

A dos de vélo

            A Ludovic Janvier

Premier jour d’octobre
Le gravier gicle sur le layon
Sur ma mécanique huilée
pensées en danseuse
je remonte la pente
Miroitement des vallons
en dos de coccinelle
Le bout du monde à tout bout de champ
Comment être là
à pédaler
et
à tant d’autres endroits
à la fois


J’ai appris que les éditions de l’Atlantique vont cesser leur aventure de publication… et dans le même temps je reçois leurs dernières parutions…
et notamment le magnifique Terres de mémoire d’Andrea Moorhead. Attention, gros coup de cœur pour moi ! Comme le dit l’auteur en quatrième de couverture (je ne saurai l’exprimer guère mieux) : «Terres de mémoire parle de nos paysages et souvenirs les plus intimes aussi bien que des théâtres de conflit international et des désastres naturels. […]»
Dès le premier poème, le ton est donné

nuits de guerre

au centre du rouge une forme invisible
illumine mes nuits quand les fleurs ont disparu
et les enfants ne mangent que l’herbe sèche du songe

guerres, fantômes, deuils, bombardement, nucléaire… tout est percutant sous la plume d’Andrea Moorhead. Tout nous touche de l’intérieur, fait monter en nous cette révolte contre tout ce qui nous fait mourir.
Et même André Ughetto en parle ici


poèmes de guerre
#1

tu ne pourrais pas boire le verre écrasé
moulu comme un café trop dur trop noir trop amer
les molécules résisteraient ta langue ta gorge ton ventre
mêlée avec l'eau cendrée des pluies incendiaires
tu ne pourrais pas boire cette tisane de verre de cendre de mort retrouvée


Autre beau recueil aux éditions de l’Atlantique, Regards croisés de Monique Saint-Julia. «Je marche, bois le jour / attirant comme un aimant serait comme ce qui définit le mieux ce recueil de Monique Saint-Julia. Elle est à l’écoute de ce que conte la nature et de ces choses «qui habitent le silence ». On se laisse transporter par cette beauté qui nous entoure et les mots, les images sont belles «toute l’eau du ciel coule sur les vitres», «le ciel borde le silence / ouvrant pour partager avec les oiseaux / une harmonie de vie» ; Cette poésie, «elle est si confondue de grâce / qu’il n’en reste qu’un silence». On lit, on se sent apaisé par ces mots qui saupoudrent sur nous une sorte de magie.

Sur le doux de l’automne
le ciel a pouvoir de bleu
un nuage orphelin boude dans un coin
des tresses de soleil s’enroulent aux arbres.
Dans le jardin
une belle lumière dorlote la terre.
Je hume, lèche, butine l’air
me jette au cou du vent
poursuis les libellules en verre
échappées des vases de buis.
Devant le feu
je caresse le chat noir
pelotonné sur mes genoux.
La joie tambourine en moi
à travers le silence.


Mon contre toi de Romain Fustier, toujours aux éditions de l’Atlantique. Comme aurait dit Richard Brautigan «toutes les filles devraient avoir un poème écrit pour elles» et bien l’Amantine de Romain Fustier n’aura pas à le lui réclamer. Ce recueil de poèmes est magnifique, l’amour est dit mais avec une telle recherche sur la langue et les images que l’on ne s’ennuie pas une seconde à entrer dans cette intimité. Car il s’agit bien d’une poésie intimiste, toute en sensualité. On entre dans un univers où l’amante devient tour à tour fruits, plantes, jardin, animaux, gibier, ville, avec tout ce qu’elle a de personnalité et d’émotions.

On pourra relire à l’occasion sur terre à ciel un entretien croisé entre Romain Fustier et Amandine Marembert par Cécile Glasman.

tu parles et tes lèvres livrent des noms de plantes.
aromates et géraniums sortent de ta bouche. ton visage
est un jardin. prend l’apparence des végétaux dont tu
égrènes les syllabes. aromates et géraniums dans la
plate-forme de ton corps. insolite silhouette. ciboulette
au bout de la langue. romarin sur la pente de tes
épaules. accroché à la rocaille de tes omoplates. seins
au goût de verveine. aisselles au thym citron. tu parles
et un monde naît entre tes lèvres. fée follette.
magicienne aux lèves d’aromates et de géraniums. ton
visage est un jardin. ton corps est une plate-bande. tu
parles et je bois à la tisane de tes lèvres.

Et Romain Fustier faisait dormir cela depuis dix ans dans un tiroir avec
«Rembobinant l’extérieur»
paru aux éditions du Cygne dans lequel des petites choses de tous les jours, s’embobinent entre elles, se varient, se mêlent, se variantent. Ce sont des allers-retours dans la langue, un voyage dans les images et les ellipses. Tous nos sens sont en éveil. Tout est en vie, tout s’anime sous la plume de Romain Fustier qui «arrose le papier peint», écoute «le jazz des gouttes sur la persienne , regarde le chat observer les plantes et les plantes qui observent le chat, entend «le raclement de gorge de la cafetière» mais aussi celui de la rue. Dans ces textes, tous écrit en prose, ça s’emmêle et se démêle entre la table du petit déjeuner, les plantes, le chat, le jardin, la ville, les quatre saisons et la vie qui grouille. Romain Fustier chercherait-il à «nous convaincre que le mystère est quotidien» ?

un temps d’orage et un thé au citron. un thé d’orage et un temps au citron. de la grêle au fond des tasses. sous un ciel de porcelaine. lotissement enfermé dans une théière. le lilas du jardin en infusion. giclée de pluie comme un zeste. nuages pressés dans le thé. cerisier en infusette. le tronc relié à un fil. branches agitées par le vent. par ma main qui s’enfonce et ressort du liquide. de la grêle sur le service en porcelaine. ciel tombé au fond des tasses. lotissement qui infuse. le lilas du jardin trempe ses feuilles dans la théière. giclée de nuages. pluie aux extraits de citron. cerisier relié à un fil. arbres en infusette. ma main fait naître un orage. un déluge d’agrume au fond de la tasse. lotissement en infusion. pluie comme un fruit pressé. il fait un temps d’orage et de thé au citron.


Monologue de Ludovic Degroote, paru chez Champ Vallon. Non pas un, mais quatre monologues. Celui de Godeleine morte dans un accident de voiture en Angleterre à l’âge de 18 ans puis ceux de son père, sa mère, son petit frère « Ludo ». A travers ces quatre personnes, que reste-t-il des vivants après la mort ? Ceux qui restent et qui taisent tout de la mort, muets, incapables de s’exprimer autrement qu’à l’intérieur, portant leurs fardeaux, leurs fantômes sur les épaules. Le mort qui prend alors toute la place dans leur vie, les rend différents et les tue dans le même temps. «c’est ainsi, dit-on, que les morts continuent à vivre.» Après « Pensées des morts », « 69 vies de mon père », où Ludovic Degroote explorait déjà ses morts, il écrit ce livre qui «traîne en [lui] depuis toujours». A lire aussi sur poezibao.

aussitôt j’ai su que je ne serais pas la seule à mourir, que je ne pouvais me détruire sans les autres, non par choix mais par amour

[…]

j’étais au salon avec geneviève, nous discutions ou nous lisions, et notre fille, qui hurlait qu’elle était en train de mourir, je ne l’ai pas entendue

[…]

je ne peux me défaire de mourir parce qu’en engendrant la vie j’ai engendré la disparition, l’amour et le chagrin au lieu de la haine et de tout ce qui aurait dû me révolter, dans ce geste je suis tombée à genoux à l’intérieur de moi-même

[…]

je suis dans ma chambre et je joue, j’entends de grands éclats de voix, jamais je n’ai entendu mes parents rire bruyamment à deux, ils sont si réservés, je descends l’escalier au plus vite car cette drôle de chose a déjà mu ma joie


et parce que la vie, ce n’est pas que la mort, qu’elle n’est pas que larmes mais aussi joies, petites et grandes, Il faut laisser la porte ouverte de Chantal Dupuy-Dunier aux éditions Henry, nous amène sur cette piste-là. Il s’agit d’un feuilleton poétique avec des acteurs et une héroïne. En quatorze épisodes, la bobine d’une vie se déroule entre les petits souvenirs d’enfance, l’angoisse des incendies transmise par les générations antérieures, la maladie du père, la mort d’une voisine, les noces, la rencontre avec Yves Di Manno, mai 68, la maladie de l’héroïne, sa mort et l’incendie de sa mort. On lit ce livre comme on regarde une série de courts-métrages et on passe un bon moment entre «rire et larmes mêlés» comme me le dédicace si bien l’auteur.

 

 

 

 


Tu ne savais pas quelle musique je voulais,
nous n’en avions jamais parlé.
Ca tombe bien, je ne voulais pas de musique.
Tu l’as senti.
Tu as apporté des poèmes,
et les amis les lisent,
et les enfants aussi,
des poèmes de grands poètes
et quelques-uns de moi, qui aimais à définir :
« La poésie, une langue de haute flamme. »

 

Toujours aux éditions Henry, Pas encore et déjà de Luce Guilbaud, une écriture belle et paisible où se côtoient la nature, le jour et la nuit, la vie et l’amour. Ces éléments s’imbriquent les uns dans les autres et se suivent de poème en poème. Il est aussi question du temps, celui qui passe, celui qui est passé au rythme des saisons. Tout cela dans une langue posée et emplie d’images. Pas encore et déjà est suivi de Trame, poèmes courts, concis et contenant plein de belles trouvailles.

 

 

 

 

 

tu détournes tout de son nuage
puisque tout pousse par le ventre
et les prairies sous le lit encore

fougères prêles et lycopodes
c’est le futur
il a ses plantes associées
indépendantes du sol

il nomme les arbres
et trace des chemins forestiers
avec stations et vertiges

voies détournées en péripéties
vent pluie et jeune pinson

elle a combien d’automnes ?
(on ne dit plus printemps)

toi et moi-même eau
liée par une frontière

ça sépare les corps
mais je retrouve la ligne
coupante malgré les regards joints.

Tri, ce long tri de Philippe Blondeau, éditions Henry, ce serait comme un tri, de tout ce qui s’écrit, ou se trouve «dans une boîte en bois». «la parole est calme / comme les moutons paissant l’herbe d’un ocre pâle». «D’une enfance de jardin triste», à la «mélancolie du passant», ce serait comme un «jardin de mémoire». Car oui, «vivre c’est du temps qui manque / à se regarder vivre», alors que «le silence est une plante rare» même si «quelqu’un m’existe en mon absence». Les mots de Philippe Blondeau parlent d’eux-mêmes, somme de pépites ramassées au sein de ses poèmes…

 

 

 

 

AUTRE MORT

Il se penche sur un travail utile
le jardin bruit d’oiseaux et de vies humaines
une douleur, mais un instant seulement,
le prévient
avant qu’il ne s’effondre
il revoit la maison de l’enfance
un chien qu’il aimait

dans sa chute il entraîne
la lumière du soleil
son destin comme une échelle renversée
écrase quelques fleurs dans l’allée



Un cadastre d’enfance de Roland Nadaus est également paru aux éditions Henry. C’est d’un cadavre, d’une enfance qu’on enterre dont il s’agit ici. Avec pointe d’humour, jeux de mots et gravité. Une enfance dont on se tait mais qui s’écrit. Enfance rude avec violence, secrets de famille mais aussi des moments de douceur. Une enfance au temps où «l’eau chaude au robinet / n’existait pas», dans une baraque, une mal-maison après guerre. Roland Nadaus lui règle ses comptes à cette enfance : «je règle mes comptes / d’enfant / avec mon enfance / qui ne compte plus», «mon enfance m’étrangle / quand je respire la nuit», «mon père ce héros / rouquin au vin pas doux du tout», « ça se battait à la maison / ça hurlait jusque dans mes rêves». Car c’est aussi de cela dont il s’agit du «cambouis des adultes», et c’est ainsi que se pose cette question après tout ça : «Comment parler de mes enfances» quand une petite voix dit ainsi «ton enfance te poursuit / et c’est d’elle que tu mourras». Roland Nadaus aborde des thèmes graves sur un ton qui ne l’est pas. Rappelle qu’un enfant ça comprend tout et qu’ «aucun enfant n’est ordinaire / dans le passé d’où il vient».

 

 

NAISSANCE D’UNE ALGUE

L’océan Doux
de ma mère
à minuit m’expulsa

C’était la nuit du lendemain
déjà
et déjà j’étais
rejeté par la mer

Il ne faisait pas jour
mais la nuit était claire :
dès le début je sus

- que j’allais mourir de ça -


Quel plaisir de lire le premier recueil publié de Dominique Tissot qui a offert à Terre à ciel plusieurs contributions. Oiseaux-sables est paru aux éditions de l’Amandier. Prose, écriture ciselée, chargée de vent, d’os et de mer, elle est une «traversée d’être» où tout est en mouvement : le vent, les oiseaux, la mer mais aussi à l’intérieur de l’homme, «nous désordre », «la mer à la renverse». Le rythme est soutenu, les phrases courtes, la langue s’invente et les trouvailles sont belles, par exemple des oiseaux : «corps que multiplie le vent». Comme il est dit en quatrième de couverture : « livre lui-même oiseau qui s’élance vers le large des sens et de la langue »


 

 

La mer craque aux récifs. Disjoint le vent, la lande. S’en prend à nous, à la continuité, démantèle le bâtis, la vie qu’on se raconte, nous insuffle les grandes frappes dans les rocs, nous désordre. Les gris recrachent du fer et des couleurs aux franges. On a les lèvres salées, on va vers plus de froid on ouvre grand l’air. Marcher n’est plus qu’un corps, un corps sans équipage, on entre en résonnance de quelle substance, la mer à la renverse

 


Plus l’ombre est dense / Et danse à tes pieds,/ Plus tu touches au but / Et te sais de soleil. Sortir de l’ombre, aller vers la lumière, ainsi va la poésie d’Emeric de Monteynard dans Ce qui, la nuit, paru aux éditions l’Arbre à paroles. C’est un livre de questionnements, qui nous amène à des choses profondes que nous contenons en nous «au plus caché . Serions-nous faits de lumières et d’ombres ? Car même les morts ici ont leur lumière «Appeler la lumière - / La leur ». Emeric de Monteynard s’interroge sur l’homme, la joie de vivre, les choses simples, la mort et la vie après la mort. Il est question du «temps qui déboule» avec beaucoup de silence, des feuilles, des pierres, des yeux, des doutes, une quête, des espoirs et un clin d'oeil à Guillevic.

 

 

Tant qu’il restera de la terre
Je la creuserai.

J’y chercherai
Du rêve

A lever,

Auxquels des mots – peut-être
Iront s’ajouter.

 

Le dernier pré#carré est arrivé avec plus tard, encore de Michaël Glück. Texte magnifique autour de la naissance des mots, du poème avec la femme en regard, la femme «qui ouvre le monde». Un extrait en parlera plus que moi !

 

 

 

1.

peu à peu le monde
est venu sur les lèvres
les choses
ont été nommées
les vivants appelés

peu à peu vous êtes
venues au monde
vous viendrez
vous avez engendré
vous engendrerez

peu à peu vous êtes
venues du silence
vous l’avez déchiré
comme il vous a déchiré

vous avez recousu
les plaies avec les fils de salive
de la berceuse ou du poème


Le dernier Jean-Marc Flahaut, Nouvelles du front de la fièvre (fragments d’Amérique) aux éditions Le pédalo ivre, c’est une somme de petits portraits venus d’Amérique avec pointes d’humour, humanité et clins d’œil à Richard Brautigan. Derrière la facilité en apparence, se cache quelque chose de subtil dans ces historiettes découpées en vers. Cela raconte de petites choses de rien du tout, de la vie, des gens qui vont, qui s’aiment, pensent ou se font la tête.

 

 

 

 

 

 

 

Jeudi midi avec couple & parking

Le ciel de Californie est
magnifique
en ce jeudi midi avec couple &
parking

c’est comme un mur
infranchissable
qui n’en finit plus de se poser
devant eux

leurs questions rebondissent
contre le mur
et reviennent vers eux
encore
et encore
le mur n’en finit pas de gagner


Puis, j’ai reçu les derniers Polder. Quand on lit ce qu’a écrit Charles Pennequin en quatrième de couverture de Un jour on a jamais rien vu de Simon Allonneau, on se demande s’il faut vraiment ouvrir ce livre ! «Ce jeune auteur s’appelle Simon Allonneau. L’éditeur me dit ne savoir rien de lui. C’est grave. Il devrait se méfier des poètes, qui plus est jeunes et dont on ne sait rien d’eux ! C’est vrai que les éditeurs sont pas des flics nés, mais tout de même : quelqu’un qui fait dire à ses « personnages » (qui seraient plutôt les voix de son voisinage proche ?), «comme ils sont mignons de ne pas égorger les vieillards avec leur casquette / ils pourraient le faire mais ils sont adorable », est peut être un dangereux futur terroriste qui s’initie à la poésie, qui sait ?»

Et finalement on ne regrette pas d’être entré dans le livre qui est plein de petites histoires, parfois racontées à la manière d’une blague, autour de la famille, du voisinage, avec un rythme, des mots qui ne font pas de détour, avec humour, parfois de la violence mais aussi quelque chose d’attachant tout au fond.

Mamie est agréable, elle nous construit des pulls

elle a commencé à tricoter tard. elle a commencé.
et elle a continué de commencer
on croyait qu’elle allait s’arrêter. mais elle n’a pas arrêté

elle est en train de pas terminer

je ne comprends pas pourquoi elle tricote
autant

c’est quoi ? c’est une couverture ?
une veste ? un short de 60 m
une jupe
un châle

je veux bien qu’il y ait des gens plus grands que
moi, je le comprends et je l’accepte, mais de là à
porter un boubou de 60 m

2m
3 m peut-être qu’il y a un chinois de 4 ou 5
mètres

mais 60 m, 60 m ! pas 60 m !
conclusion (soyons sérieux)

il faut savoir tricoter
il faut aussi savoir arrêter


et le polder 155, Vitres ouvertes de Murièle Camac, débute par une série de portraits à travers les pays, une ouverture sur le monde. Portraits des gens, portraits des autres, portraits portant chacun un prénom, des gens vivant différemment dans d’autres pays, des gens différents aussi par ce qu’ils ont chacun de singulier. C’est une poésie de l’humain, une poésie qui regarde les hommes et les femmes. Les mots sont simples et disent ce qu’ils ont à dire. Et j’ai pensé parfois à l’écriture de Cécile Glasman. C’est aussi une poésie de voyages, de ces voyages où l’on va à la rencontre de l’autre.

L’école d’art

Lisa
raconte qu’ayant appris le chinois
elle est allée passer six mois en Chine
dès qu’elle ouvrait la bouche
tous les yeux se rivaient sur elle
une noire qui parle chinois !
tout le monde la prenait en photo
alors que c’était elle
la photographe

 

Cécile Guivarch ~ Janvier 2013

 
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