
Maryse Hache, je ne
connaissais pas son écriture de son vivant, et je le regrette
bien. J’ai téléchargé sur publie.net
Abyssal cabaret. Et si je ne devais en
dire qu’un mot ce serait : admirable ! Ce texte, mis en scène
au théâtre, débute en ces termes : «la
femme dont nous racontons l’histoire sait bien que le théâtre
s’effondre», et tout le long du texte ces mots
«la femme dont nous racontons l’histoire»,
reviennent et le rythment. Alignée à gauche, une partie
qui raconte cette femme, la suit dans sa déambulation à
travers des charniers, des paysages de guerre ou sur la trace de ses
ancêtres. Le tout est ponctué de ciel bleu. Aligné
à droite, la femme s’exprime avec une langue différente
de celle de la narration. Il s’agit d’une histoire, pas
seulement celle de la femme, mais celle de beaucoup de femmes à
travers les générations, histoire qui nous vient des origines,
histoire de sang mais aussi de la beauté du monde. Finalement,
à la fin, le voile se lève et de la femme apparaît
l’actrice qui nous livre ce message :
elle ne savait rien de l’effondrement
elle ne savait rien de la lumière
elle ne savait rien de la vie
elle vous disait
la vie est à vivre sans la savoir
et pour le plaisir de lire encore un petit peu :
tu traverses le 11 novembre, vivante
d’un aïeul
revenu vivant de Verdun, mort plus tard, chair à vers
quand même, mais après une vie entière
entre les trépassés et les reliques
à part les morts il y a quelqu’un
oui il y a quelqu’un
il y a quelques uns
dans la vie
dans la beauté du monde
coûte que coûte
*
la mère du père de mon
père s’appelait léonie
sur le chemin de la vie
elle fabriquait neuf enfants
elle a été tuée par la mort dans sa maison de
boulogne-sur-mer
et je lui tisse une écriture
linge de coquillages
pour vous le dire
et je vais allumer une bougie
qui donne lumière sur son pas de calais
le père du père de mon père s’appelait...
prénom
disparu
sur le chemin de la vie
petits ou grands événements disparus aussi
la mort l’a tué en quel espace
et je lui tisse une écriture
linge de haillons
pour vous le dire
et je vais allumer une bougie
petite lumière du ténu

Hommage à Yves
Landrein, fondateur des éditions La
part commune. Il venait de publier 77 poèmes
et des poussières d’Olivier Cousin.
Comme me dédicace l’auteur «Pour Cécile
G. qui, tout comme moi je le sais, aime jouer avec la poussière
du vécu et des origines.» Avec une telle dédicace
comment ne pas être interpellée ? Recueil de poèmes
où chaque distance est témoin des origines, des coutumes
qui s’effacent. On peut le lire à la manière d’un
carnet de voyages, de lieux où les terres et les langues se croisent.
La nature, les oiseaux, les animaux sont très présents
et permettent que «se poursuivent ainsi
des voyages inédits» aux côtés
de la vie, du temps qui passe, des choses du quotidien (le frigo, la
lessive), des petits et des grands événements (un onze
septembre qui rivalise avec un dix janvier où l’on prépare
le pot-au-feu), aux deux extrémités de l’enfance
et de la mort.
A dos de vélo
A Ludovic Janvier
Premier jour d’octobre
Le gravier gicle sur le layon
Sur ma mécanique huilée
pensées en danseuse
je remonte la pente
Miroitement des vallons
en dos de coccinelle
Le bout du monde à tout bout de champ
Comment être là
à pédaler
et
à tant d’autres endroits
à la fois
J’ai appris que les éditions
de l’Atlantique vont cesser leur aventure de publication…
et dans le même temps je reçois leurs dernières
parutions…
et notamment le magnifique Terres de mémoire
d’Andrea Moorhead. Attention, gros coup de cœur
pour moi ! Comme le dit l’auteur en quatrième de couverture
(je ne saurai l’exprimer guère mieux) : «Terres
de mémoire parle de nos paysages et souvenirs les plus intimes
aussi bien que des théâtres de conflit international et
des désastres naturels. […]»
Dès le premier poème, le ton est donné
nuits de guerre
au centre du rouge une forme invisible
illumine mes nuits quand les fleurs ont disparu
et les enfants ne mangent que l’herbe sèche du songe
guerres, fantômes, deuils, bombardement,
nucléaire… tout est percutant sous la plume d’Andrea
Moorhead. Tout nous touche de l’intérieur, fait monter
en nous cette révolte contre tout ce qui nous fait mourir.
Et même André Ughetto en parle ici
poèmes de guerre
#1
tu ne pourrais pas boire le verre écrasé
moulu comme un café trop dur trop noir trop amer
les molécules résisteraient ta langue ta gorge ton ventre
mêlée avec l'eau cendrée des pluies incendiaires
tu ne pourrais pas boire cette tisane de verre de cendre de mort retrouvée
Autre beau recueil aux éditions de l’Atlantique,
Regards croisés de Monique
Saint-Julia. «Je marche, bois
le jour / attirant comme un aimant serait comme ce qui
définit le mieux ce recueil de Monique Saint-Julia. Elle est
à l’écoute de ce que conte la nature et de
ces choses «qui habitent le silence
». On se laisse transporter par cette beauté
qui nous entoure et les mots, les images sont belles «toute
l’eau du ciel coule sur les vitres», «le
ciel borde le silence / ouvrant pour partager avec les oiseaux / une
harmonie de vie» ; Cette poésie,
«elle est si confondue de grâce / qu’il n’en
reste qu’un silence». On lit, on se sent apaisé
par ces mots qui saupoudrent sur nous une sorte de magie.
Sur le doux de l’automne
le ciel a pouvoir de bleu
un nuage orphelin boude dans un coin
des tresses de soleil s’enroulent aux arbres.
Dans le jardin
une belle lumière dorlote la terre.
Je hume, lèche, butine l’air
me jette au cou du vent
poursuis les libellules en verre
échappées des vases de buis.
Devant le feu
je caresse le chat noir
pelotonné sur mes genoux.
La joie tambourine en moi
à travers le silence.
Mon contre toi de Romain
Fustier, toujours aux éditions de l’Atlantique.
Comme aurait dit Richard Brautigan «toutes les filles devraient
avoir un poème écrit pour elles» et bien l’Amantine
de Romain Fustier n’aura pas à le lui réclamer.
Ce recueil de poèmes est magnifique, l’amour est dit mais
avec une telle recherche sur la langue et les images que l’on
ne s’ennuie pas une seconde à entrer dans cette intimité.
Car il s’agit bien d’une poésie intimiste, toute
en sensualité. On entre dans un univers où l’amante
devient tour à tour fruits, plantes, jardin, animaux, gibier,
ville, avec tout ce qu’elle a de personnalité et d’émotions.
On pourra relire à l’occasion
sur terre à ciel un entretien
croisé entre Romain Fustier et Amandine Marembert par Cécile
Glasman.
tu parles et tes lèvres
livrent des noms de plantes.
aromates et géraniums sortent de ta bouche. ton visage
est un jardin. prend l’apparence des végétaux dont
tu
égrènes les syllabes. aromates et géraniums dans
la
plate-forme de ton corps. insolite silhouette. ciboulette
au bout de la langue. romarin sur la pente de tes
épaules. accroché à la rocaille de tes omoplates.
seins
au goût de verveine. aisselles au thym citron. tu parles
et un monde naît entre tes lèvres. fée follette.
magicienne aux lèves d’aromates et de géraniums.
ton
visage est un jardin. ton corps est une plate-bande. tu
parles et je bois à la tisane de tes lèvres.

Et Romain Fustier faisait
dormir cela depuis dix ans dans un tiroir avec
«Rembobinant l’extérieur» paru
aux éditions
du Cygne dans lequel des petites choses de tous les jours,
s’embobinent entre elles, se varient, se mêlent, se variantent.
Ce sont des allers-retours dans la langue, un voyage dans les images
et les ellipses. Tous nos sens sont en éveil. Tout est en vie,
tout s’anime sous la plume de Romain Fustier qui «arrose
le papier peint», écoute «le
jazz des gouttes sur la persienne , regarde le chat observer
les plantes et les plantes qui observent le chat, entend «le
raclement de gorge de la cafetière» mais aussi
celui de la rue. Dans ces textes, tous écrit en prose, ça
s’emmêle et se démêle entre la table du petit
déjeuner, les plantes, le chat, le jardin, la ville, les quatre
saisons et la vie qui grouille. Romain Fustier chercherait-il à
«nous convaincre que le mystère est
quotidien» ?
un temps d’orage
et un thé au citron. un thé d’orage et un temps
au citron. de la grêle au fond des tasses. sous un ciel de porcelaine.
lotissement enfermé dans une théière. le lilas
du jardin en infusion. giclée de pluie comme un zeste. nuages
pressés dans le thé. cerisier en infusette. le tronc relié
à un fil. branches agitées par le vent. par ma main qui
s’enfonce et ressort du liquide. de la grêle sur le service
en porcelaine. ciel tombé au fond des tasses. lotissement qui
infuse. le lilas du jardin trempe ses feuilles dans la théière.
giclée de nuages. pluie aux extraits de citron. cerisier relié
à un fil. arbres en infusette. ma main fait naître un orage.
un déluge d’agrume au fond de la tasse. lotissement en
infusion. pluie comme un fruit pressé. il fait un temps d’orage
et de thé au citron.
Monologue
de Ludovic
Degroote, paru chez Champ
Vallon. Non pas un, mais quatre monologues. Celui de Godeleine
morte dans un accident de voiture en Angleterre à l’âge
de 18 ans puis ceux de son père, sa mère, son petit frère
« Ludo ». A travers ces quatre personnes, que reste-t-il
des vivants après la mort ? Ceux qui restent et qui taisent tout
de la mort, muets, incapables de s’exprimer autrement qu’à
l’intérieur, portant leurs fardeaux, leurs fantômes
sur les épaules. Le mort qui prend alors toute la place dans
leur vie, les rend différents et les tue dans le même temps.
«c’est ainsi, dit-on, que les
morts continuent à vivre.» Après «
Pensées des morts », «
69 vies de mon père », où Ludovic
Degroote explorait déjà ses morts, il écrit ce
livre qui «traîne en [lui] depuis
toujours». A lire aussi sur poezibao.
aussitôt j’ai
su que je ne serais pas la seule à mourir, que je ne pouvais
me détruire sans les autres, non par choix mais par amour
[…]
j’étais
au salon avec geneviève, nous discutions ou nous lisions, et
notre fille, qui hurlait qu’elle était en train de mourir,
je ne l’ai pas entendue
[…]
je ne peux me défaire
de mourir parce qu’en engendrant la vie j’ai engendré
la disparition, l’amour et le chagrin au lieu de la haine et de
tout ce qui aurait dû me révolter, dans ce geste je suis
tombée à genoux à l’intérieur de moi-même
[…]
je suis dans ma chambre
et je joue, j’entends de grands éclats de voix, jamais
je n’ai entendu mes parents rire bruyamment à deux, ils
sont si réservés, je descends l’escalier au plus
vite car cette drôle de chose a déjà mu ma joie

et parce que la vie, ce n’est
pas que la mort, qu’elle n’est pas que larmes mais aussi
joies, petites et grandes, Il faut laisser la porte ouverte
de Chantal Dupuy-Dunier aux éditions
Henry, nous amène sur cette piste-là. Il
s’agit d’un feuilleton poétique avec des acteurs
et une héroïne. En quatorze épisodes, la bobine d’une
vie se déroule entre les petits souvenirs d’enfance, l’angoisse
des incendies transmise par les générations antérieures,
la maladie du père, la mort d’une voisine, les noces, la
rencontre avec Yves Di Manno, mai 68, la maladie de l’héroïne,
sa mort et l’incendie de sa mort. On lit ce livre comme on regarde
une série de courts-métrages et on passe un bon moment
entre «rire et larmes mêlés» comme
me le dédicace si bien l’auteur.
Tu ne savais pas quelle musique je voulais,
nous n’en avions jamais parlé.
Ca tombe bien, je ne voulais pas de musique.
Tu l’as senti.
Tu as apporté des poèmes,
et les amis les lisent,
et les enfants aussi,
des poèmes de grands poètes
et quelques-uns de moi, qui aimais à définir :
« La poésie, une langue de haute flamme. »

Toujours aux éditions Henry,
Pas encore et déjà de
Luce Guilbaud, une écriture belle et paisible où
se côtoient la nature, le jour et la nuit, la vie et l’amour.
Ces éléments s’imbriquent les uns dans les autres
et se suivent de poème en poème. Il est aussi question
du temps, celui qui passe, celui qui est passé au rythme des
saisons. Tout cela dans une langue posée et emplie d’images.
Pas encore et déjà est suivi
de Trame, poèmes courts, concis et
contenant plein de belles trouvailles.
tu détournes tout de son nuage
puisque tout pousse par le ventre
et les prairies sous le lit encore
fougères prêles et lycopodes
c’est le futur
il a ses plantes associées
indépendantes du sol
il nomme les arbres
et trace des chemins forestiers
avec stations et vertiges
voies détournées en péripéties
vent pluie et jeune pinson
elle a combien d’automnes ?
(on ne dit plus printemps)
toi et moi-même eau
liée par une frontière
ça sépare les corps
mais je retrouve la ligne
coupante malgré les regards joints.

Tri, ce long tri
de Philippe Blondeau, éditions Henry, ce serait
comme un tri, de tout ce qui s’écrit, ou se trouve «dans
une boîte en bois». «la
parole est calme / comme les moutons paissant l’herbe d’un
ocre pâle». «D’une
enfance de jardin triste», à la «mélancolie
du passant», ce serait comme un «jardin
de mémoire». Car oui, «vivre
c’est du temps qui manque / à se regarder vivre»,
alors que «le silence est une plante
rare» même si «quelqu’un
m’existe en mon absence». Les mots de Philippe
Blondeau parlent d’eux-mêmes, somme de pépites ramassées
au sein de ses poèmes…
AUTRE MORT
Il se penche sur un travail utile
le jardin bruit d’oiseaux et de vies humaines
une douleur, mais un instant seulement,
le prévient
avant qu’il ne s’effondre
il revoit la maison de l’enfance
un chien qu’il aimait
dans sa chute il entraîne
la lumière du soleil
son destin comme une échelle renversée
écrase quelques fleurs dans l’allée

Un cadastre d’enfance
de Roland Nadaus est également paru aux éditions
Henry. C’est d’un cadavre, d’une enfance qu’on
enterre dont il s’agit ici. Avec pointe d’humour, jeux de
mots et gravité. Une enfance dont on se tait mais qui s’écrit.
Enfance rude avec violence, secrets de famille mais aussi des moments
de douceur. Une enfance au temps où «l’eau
chaude au robinet / n’existait pas», dans une
baraque, une mal-maison après guerre. Roland Nadaus lui règle
ses comptes à cette enfance : «je
règle mes comptes / d’enfant / avec mon enfance / qui ne
compte plus», «mon
enfance m’étrangle / quand je respire la nuit»,
«mon père ce héros / rouquin
au vin pas doux du tout», «
ça se battait à la maison / ça hurlait jusque dans
mes rêves». Car c’est aussi de cela dont
il s’agit du «cambouis des adultes»,
et c’est ainsi que se pose cette question après tout ça
: «Comment parler de mes enfances»
quand une petite voix dit ainsi «ton
enfance te poursuit / et c’est d’elle que tu mourras».
Roland Nadaus aborde des thèmes graves sur un ton qui ne l’est
pas. Rappelle qu’un enfant ça comprend tout et qu’
«aucun enfant n’est ordinaire
/ dans le passé d’où il vient».
NAISSANCE D’UNE ALGUE
L’océan Doux
de ma mère
à minuit m’expulsa
C’était la nuit du lendemain
déjà
et déjà j’étais
rejeté par la mer
Il ne faisait pas jour
mais la nuit était claire :
dès le début je sus
- que j’allais mourir de ça -

Quel plaisir de lire le premier recueil
publié de Dominique Tissot qui a offert à
Terre à ciel plusieurs contributions. Oiseaux-sables
est paru aux éditions
de l’Amandier. Prose, écriture ciselée,
chargée de vent, d’os et de mer, elle est une «traversée
d’être» où tout est en mouvement
: le vent, les oiseaux, la mer mais aussi à l’intérieur
de l’homme, «nous désordre
», «la mer à
la renverse». Le rythme est soutenu, les phrases courtes,
la langue s’invente et les trouvailles sont belles, par exemple
des oiseaux : «corps que multiplie le
vent». Comme il est dit en quatrième de couverture
: « livre lui-même oiseau qui s’élance
vers le large des sens et de la langue »
La mer craque aux récifs.
Disjoint le vent, la lande. S’en prend à nous, à
la continuité, démantèle le bâtis, la vie
qu’on se raconte, nous insuffle les grandes frappes dans les rocs,
nous désordre. Les gris recrachent du fer et des couleurs aux
franges. On a les lèvres salées, on va vers plus de froid
on ouvre grand l’air. Marcher n’est plus qu’un corps,
un corps sans équipage, on entre en résonnance de quelle
substance, la mer à la renverse

Plus l’ombre
est dense / Et danse à tes pieds,/ Plus
tu touches au but / Et te sais de soleil.
Sortir de l’ombre, aller vers la lumière, ainsi va la poésie
d’Emeric de
Monteynard dans Ce qui, la nuit,
paru aux éditions
l’Arbre à paroles. C’est un livre de
questionnements, qui nous amène à des choses profondes
que nous contenons en nous «au plus
caché . Serions-nous faits de lumières et
d’ombres ? Car même les morts ici ont leur lumière
«Appeler la lumière - / La leur
». Emeric de Monteynard s’interroge sur l’homme,
la joie de vivre, les choses simples, la mort et la vie après
la mort. Il est question du «temps qui
déboule» avec beaucoup de silence, des feuilles,
des pierres, des yeux, des doutes, une quête, des espoirs et un
clin d'oeil à Guillevic.
Tant qu’il restera de la
terre
Je la creuserai.
J’y chercherai
Du rêve
A lever,
Auxquels des mots – peut-être
Iront s’ajouter.

Le dernier pré#carré
est arrivé avec plus tard, encore de
Michaël Glück. Texte magnifique autour de
la naissance des mots, du poème avec la femme en regard, la femme
«qui ouvre le monde».
Un extrait en parlera plus que moi !
1.
peu à peu le monde
est venu sur les lèvres
les choses
ont été nommées
les vivants appelés
peu à peu vous êtes
venues au monde
vous viendrez
vous avez engendré
vous engendrerez
peu à peu vous êtes
venues du silence
vous l’avez déchiré
comme il vous a déchiré
vous avez recousu
les plaies avec les fils de salive
de la berceuse ou du poème

Le dernier Jean-Marc Flahaut,
Nouvelles du front de la fièvre (fragments d’Amérique)
aux éditions
Le pédalo ivre, c’est une somme de petits
portraits venus d’Amérique avec pointes d’humour,
humanité et clins d’œil à Richard Brautigan.
Derrière la facilité en apparence, se cache quelque chose
de subtil dans ces historiettes découpées en vers. Cela
raconte de petites choses de rien du tout, de la vie, des gens qui vont,
qui s’aiment, pensent ou se font la tête.
Jeudi midi avec couple & parking
Le ciel de Californie est
magnifique
en ce jeudi midi avec couple &
parking
c’est comme un mur
infranchissable
qui n’en finit plus de se poser
devant eux
leurs questions rebondissent
contre le mur
et reviennent vers eux
encore
et encore
le mur n’en finit pas de gagner
Puis, j’ai reçu les derniers Polder. Quand
on lit ce qu’a écrit Charles Pennequin en quatrième
de couverture de Un jour on a jamais rien vu
de Simon Allonneau, on se demande s’il faut vraiment
ouvrir ce livre ! «Ce jeune auteur s’appelle Simon Allonneau.
L’éditeur me dit ne savoir rien de lui. C’est grave.
Il devrait se méfier des poètes, qui plus est jeunes et
dont on ne sait rien d’eux ! C’est vrai que les éditeurs
sont pas des flics nés, mais tout de même : quelqu’un
qui fait dire à ses « personnages » (qui seraient
plutôt les voix de son voisinage proche ?), «comme ils sont
mignons de ne pas égorger les vieillards avec leur casquette
/ ils pourraient le faire mais ils sont adorable », est peut être
un dangereux futur terroriste qui s’initie à la poésie,
qui sait ?»
Et finalement on ne regrette pas d’être
entré dans le livre qui est plein de petites histoires, parfois
racontées à la manière d’une blague, autour
de la famille, du voisinage, avec un rythme, des mots qui ne font pas
de détour, avec humour, parfois de la violence mais aussi quelque
chose d’attachant tout au fond.
Mamie est agréable, elle nous construit des pulls
elle a commencé à tricoter tard. elle
a commencé.
et elle a continué de commencer
on croyait qu’elle allait s’arrêter. mais elle n’a
pas arrêté
elle est en train de pas terminer
je ne comprends pas pourquoi elle tricote
autant
c’est quoi ? c’est une couverture ?
une veste ? un short de 60 m
une jupe
un châle
je veux bien qu’il y ait des gens plus grands
que
moi, je le comprends et je l’accepte, mais de là à
porter un boubou de 60 m
2m
3 m peut-être qu’il y a un chinois de 4 ou 5
mètres
mais 60 m, 60 m ! pas 60 m !
conclusion (soyons sérieux)
il faut savoir tricoter
il faut aussi savoir arrêter
et le polder 155, Vitres ouvertes de Murièle
Camac, débute par une série de portraits à
travers les pays, une ouverture sur le monde. Portraits des gens, portraits
des autres, portraits portant chacun un prénom, des gens vivant
différemment dans d’autres pays, des gens différents
aussi par ce qu’ils ont chacun de singulier. C’est une poésie
de l’humain, une poésie qui regarde les hommes et les femmes.
Les mots sont simples et disent ce qu’ils ont à dire. Et
j’ai pensé parfois à l’écriture de
Cécile Glasman. C’est
aussi une poésie de voyages, de ces voyages où l’on
va à la rencontre de l’autre.
L’école d’art
Lisa
raconte qu’ayant appris le chinois
elle est allée passer six mois en Chine
dès qu’elle ouvrait la bouche
tous les yeux se rivaient sur elle
une noire qui parle chinois !
tout le monde la prenait en photo
alors que c’était elle
la photographe
Cécile Guivarch ~ Janvier
2013