TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

L'arbre à parole ~ Hep ! Lectures fraîches !
(avril 2012)

 

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Voici venu le deuxième épisode de Hep ! Lectures fraîches ! avec bien sûr mes remerciements à toutes celles et ceux qui m’ont envoyé des ouvrages. Recevoir un livre en cadeau ou en service de presse permet d’élargir mes lectures, découvrir des auteurs et des maisons. De quoi ajouter du piment aux lectures fraîches !

Pour commencer, Le journal d’un haricot d’Olivier Hobé, aux éditions Apogée. En découvrant le livre, j’ai eu peur au départ que ce soit un apitoiement sur la maladie, l’auteur ayant écrit ce journal pendant que son fils était malade. Mais ce n’est pas du tout cela. Au travers de notes quotidiennes, l’auteur donne de l’espace à la vie si bien que la maladie ne prend pas toute la place, même si elle reste présente tout au long du journal.

« quelques minutes de rêves insérées dans sa première chimiothérapie »
« je n’ai pas beaucoup de poésie dans le cathéter et je sonne à intervalles réguliers »

La vie n’est pas qu’hôpital, elle est dans tous les lieux que visite l’auteur: café, terrasse, pmu, le café du commerce, même place, même chaise, jardin des amours, les halles, Hautbois, café de l’océan, jardin, abbaye, autant de lieux où se pose l’auteur et y écrit ses espoirs, ses lectures, ses musiques, ses observations sur la pêche à la palourde, le passage du Gois, les textes promis pour une revue, l’image en poésie, Roberto Juarroz, le monde…
Le fils dès le départ est nommé Q. mais le journal finit ainsi :

Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m’envahit, je le sens, je le renifle, il n’a jamais été aussi proche de moi. On me regarde écrire. Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il me semble être l’une d’elles.

Coup de cœur pour la plume d’Antoine Wauters, poète belge, avec Césarine de nuit paru chez Cheyne éditeur. Entre conte et poésie, l’humanité qui ressort de ce livre transpire sur toutes les lignes. Le texte, petits carrés de proses, est dur, aborde les thèmes de l’abandon, l’enfance maltraitée, souillée, violée puis ce que subissent des êtres humains qui ne rentrent pas dans le moule, les conduisant à commettre l’irréparable. Antoine Wauters pose les choses telles qu’elles doivent l’être, sans détours, avec force. Ses mots sont justes. « un texte dur avec des mots doux » comme il dit. En commençant ce livre, on est saisi par un ton qui fait qu’on ne le lâche pas avant de l’avoir terminé. Antoine Wauters écrit avec un but déterminé, avec sa propre voix. Un conte dont on ne ressort pas indemne, tant il est criant de vérité, tant il reflète ce que l’on peut voir dans notre société actuelle ou plus ancienne. Voici en tous les cas sur le blog d’Antoine Wauters, le 4eme de couverture : http://antoinewauters.eklablog.com/cesarine-de-nuit-a40560146


Car je veux de l’amour. Et qu’on me
le donne frais avec une grande pincée
de sel et un pain noir amer que je
peux mordre. Celui que j’aime porte
des bottes, de longs pieds sales, et les
poutres au chantier de la gare, sur ses
épaules. Celui que j’aime a dormi tout
comme moi au beau milieu d’une
phrase, en pleine journée il pleure car
il est triste d’un lieu passé. Je l’appelle
Jules ou je l’appelle Jean-Jules, Yves
ou Damien.


Je ne sais pas pourquoi mais je suis passée à côté d’Eric Sautou pendant autant d’années ! Grâce à Poezibao, j’ai lu des extraits de Les vacances aux éditions Flammarion et il est devenu évident pour moi que je devais me procurer le recueil. Nouveau coup de cœur ! Ce livre se compose en plusieurs parties. D’abord, une sorte de liste, dont voici des extraits :

- Le premier jour des vacances. Le chemin. La plage de galets.
- Cinq d’une même famille. Frère de mes sœurs.
- Les volets fermés. Qu’est-ce que le temps ?
- Les fêtes foraines. Les grands marchés.
- Les têtards. La rainette. Le parfait coquillage.
- Le bleu du ciel en été.
- L’écume. Le baume solaire. La bouée.
- Les savons parfumés. Le parfum de lavande. Les paysages.
- « Eloignez vous de la bordure du quai s’il vous plaît »


Puis suivent des poèmes plein de sensations. Remplis d’arbres, de fleurs et d’eau. On nage parmi ces jolis mots… mais à bien y lire, s’y glisse des éléments plus subtils qui nous rappellent le monde dans lequel nous vivons.

Voici des extraits, ils parlent d’eux-mêmes…

le bois rentré nuages d’eau le jardin rayonnant

c’est la maison la simple maison (c’est dans la nuit du rêve)
le seul endroit du rêve ce sont les mots dedans

la mer est éblouie « un air ancien »

dans le monde (lumineux) j’oublie la belle image

nous allions dans l’eau
de milliers d’étoiles (je ne sais rien du rêve)
les étoiles soulèvent (ont soulevé leurs voix »

j’invente
de quelques mots qu’on épuise des arbres qu’on enflamme
la poésie de l’eau

cette nuit les étoiles
(seules
étoiles la nuit) les étoiles la nuit
(dans l’air froid de la nuit les étoiles la nuit)

Du coup, j’ai eu envie de lire encore du « Eric Sautou » avec La Tamarissière toujours aux éditions Flammarion. J’ai retrouvé cette langue qui bouge et qui ne laisse pas indifférent, pleine d’arbres, de fleurs, de rêves pour dire ce que la vie autrement.

je marche aux arbres qui m’entoure je deviens seul
je vieillis sur le pont je pars
nuit d’avoir mon sang
et le vent de vagues d’écume ma vie la nuit
je vois sous la pluie
seul homme ma vie finira


J’avais lu Dorothée Volut sur le net, sur les cahiers de Benji, depuis, j’ai acheté son recueil « alphabet », un petit extrait…

COMME LES PENSEES LES FLEURS, DEPUIS QUELQUES
JOURS, RECOUVRENT TOUTES LES BRANCHES. LES
MOTS SONT DANS LA SERRE, ILS CHAUFFENT A
L'ECART LES UNS DES AUTRES. ILS SE RENCONTRENT
PEU (LES PAUVRES, ILS VOUDRAIENT DIRE LA VERITE).
ATTENTION JE VAIS DETACHER, PRONONCER ABSOLU,
AU VRAI ABSOLUMENT REMPLI, DE VIE ABSOLUMENT
GONFLEE, DE L'INSTANT NECESSAIRE A CE QUE SOIT
FORME, CE MOT UN MOT LE MOT ATTENTION -
EMBRYON

Une voix à suivre absolument ! Dorothée Volut écrit à partir de ce qui l’entoure et viennent les mots… J’ai lu son livre en m’interrogeant fortement sur ce qui pousse l’écriture à naître.


Mon amie Roselyne Sibille m’a offert son livre Lumière froissée édité aux éditions Voix d’encre avec des encres de Liliane-Eve Brendel. La poésie de Roselyne me fait penser à la poésie asiatique. Observation de la nature, vers courts et fulgurants. Les mots, les vers s’aèrent sur la page, prennent presque la forme de la montagne qu’ils écrivent. Entre les encres de Liliane-Eve Brendel et les poèmes de Roselyne Sibille, on sent le souffle du vent, celui qu’il adresse à la montagne Sainte Victoire qui prend vie, devient une personne, grâce à ces deux artistes qui ont su lui donner sa lumière.

Le temps est pur

Le ciel a le choix et ne dit pas son nom

une hirondelle fissure une prière mauve          vaste


Nouveau coup de cœur, une voix que je ne connaissais pas. J’ai en fait feuilleté au salon du livre à Paris un livre de Luce Guilbaut et de Danielle Fournier, Iris, paru aux éditions de l’Hexagone, je me suis de suite sentie proche de ces écritures et j’ai voulu en savoir un peu plus sur Danielle Fournier, québécoise. J’ai donc acheté Je reconnais la patience de l’arbre paru en 2008 aux éditions Tarabuste. Il s’agit d’un texte de deuil, vraisemblablement la perte d’un enfant. Mais c’est un livre magnifique, une poésie tout en finesse dont je me suis sentie proche…

je ramasse ce qu’il faut pour construire
les souvenances des grands champs
immergés au printemps

les infinis de l’enfance aux creux des mains

le cœur flamboyant des mots dérive jusqu’à moi
certains s’accrochent
d’autres cherchent leur route
plus jamais tu n’es

Chez Gros Textes, j’ai lu On passe à quelque chose d’Isabelle Pinçon. Une maison sans confort qui fonctionne par petits bonds, les plombs qui sautent, les ouvertures étroites, on s’y gèle les extrémités, l’eau n’est pas potable, la façon de parler des voisins laisse à désirer. Bref, cette maison là, on n’a pas trop envie d’y habiter. Pourtant c’est toute la vie qui passe dans ce recueil d’Isabelle Pinçon. Le texte est dynamique et devient vite comme un film avec des acteurs.

Une maison à plusieurs étages
Des lits surexposés
Une maison à étages implique
Des calculs compliqués
Des équilibres à improviser
Le nombre d’étages est à recalculer
Sans cesse
CA NE TIENT PAS BIEN


Merci aux éditions Rafael de Surtis pour leur envoi. Je découvre ainsi Paul Sanda avec Slumming on Park Avenue. Ecriture qui mêle le contemporain avec une forme d’écriture plus classique « ô oui yes », les & et les anglicismes. Ce sont de petites proses sans ponctuation sans retours à la ligne. Des souvenirs de voyage à New York. On y découvre l’ambiance telle que l’a vécu le poète. La vie night and day.

IRRESISTIBLE YOU

mais tu es irrésistible & j'ai toujours su ta
démarche fébrile & le balancement subtil de tes
hanches américaines oui j'ai su central park
avant la marche en silence & bientôt que j'avais
les doigts pleins de ce chili de ces haricots rou-
ges que je m'entendais respirer à ta bouche ah
mais tu es irresistible ainsi comme si je savais
déjà que je pourrai m'assoupir à jamais entre les
lunaires de strawberry fields écraser ce bretzel le
bretzel brisé avec new-york sur la pointe de ton
sein

Et je relis avec plaisir Corinne Le Lepvrier que nous avons accueillie à notre table il y a quelques mois avec son recueil la femme elles je chez Rafael de Surtis toujours. Une voix à suivre… La femme qui vit, à travers sa sensualité, sa féminité, ses désirs, celle qui donne la vie, traverse le temps et l’espace, traverse la vie et refuse la mort non pas d'une femme mais de toutes ces femmes qui autant soient-elles ne forment qu'une et une seule femme "je". Et c'est tout cela qui donne sa force au texte, cette quête de la femme par l'auteur qui fouille au plus profond et nous la dit, la femme, elle est.

là où quelque chose
de nos respirations frissonnantes
- hypothèses sur la balançoire-
invente notre langue de demain

là où quelque chose
nous saisit -femmes-
végétations de ciels voilés
à la conquête de l'autorisation
- comme une herbe enroulée-

c'est là


Enfin, je salue le dernier numéro de la revue de poésie N4728 avec un nouveau directeur : Christian Vogels. Mr Vogels, je vous rassure, ce premier numéro assuré par vos soins n’a rien perdu de sa qualité ! Elle reste pour moi une revue phare. Une sélection de poètes avec de larges extraits, ce qui permet au lecteur d’entrer dans leur écriture. Des notes de lectures qui donnent envie de lire les livres critiqués. Bref, pas de grands blablas mais place aux auteurs. C’est vraiment chouette. Dans ce dernier numéro on peut découvrir entre autres des textes de Sylvie Durbec, Cécile Glasman, Cécile Guivarch, Corinne Le Lepvrier, Lou Raoul, Serge Ritman, pour ne citer que les auteurs déjà parus sur terre à ciel !!!

 


Cécile Guivarch ~ Avril 2012

 
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