Voici venu le deuxième épisode de Hep ! Lectures
fraîches ! avec bien sûr mes remerciements à
toutes celles et ceux qui m’ont envoyé des ouvrages. Recevoir
un livre en cadeau ou en service de presse permet d’élargir
mes lectures, découvrir des auteurs et des maisons. De quoi ajouter
du piment aux lectures fraîches !
Pour commencer, Le journal d’un haricot
d’Olivier Hobé, aux éditions Apogée.
En découvrant le livre, j’ai eu peur au départ que
ce soit un apitoiement sur la maladie, l’auteur ayant écrit
ce journal pendant que son fils était malade. Mais ce n’est
pas du tout cela. Au travers de notes quotidiennes, l’auteur donne
de l’espace à la vie si bien que la maladie ne prend pas
toute la place, même si elle reste présente tout au long
du journal.
« quelques minutes de rêves
insérées dans sa première chimiothérapie
»
« je n’ai pas beaucoup de poésie dans le cathéter
et je sonne à intervalles réguliers »
La vie n’est pas qu’hôpital, elle
est dans tous les lieux que visite l’auteur: café, terrasse,
pmu, le café du commerce, même place, même chaise,
jardin des amours, les halles, Hautbois, café de l’océan,
jardin, abbaye, autant de lieux où se pose l’auteur et
y écrit ses espoirs, ses lectures, ses musiques, ses observations
sur la pêche à la palourde, le passage du Gois, les textes
promis pour une revue, l’image en poésie, Roberto Juarroz,
le monde…
Le fils dès le départ est nommé Q. mais le journal
finit ainsi :
Je respire du Quentin, sa maladie me
bouffe, m’envahit, je le sens, je le renifle, il n’a jamais
été aussi proche de moi. On me regarde écrire.
Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il
me semble être l’une d’elles.
Coup de cœur pour la plume d’Antoine
Wauters, poète belge, avec Césarine
de nuit paru chez Cheyne éditeur.
Entre conte et poésie, l’humanité qui ressort de
ce livre transpire sur toutes les lignes. Le texte, petits carrés
de proses, est dur, aborde les thèmes de l’abandon, l’enfance
maltraitée, souillée, violée puis ce que subissent
des êtres humains qui ne rentrent pas dans le moule, les conduisant
à commettre l’irréparable. Antoine Wauters pose
les choses telles qu’elles doivent l’être, sans détours,
avec force. Ses mots sont justes. « un texte dur avec des
mots doux » comme il dit. En commençant ce livre,
on est saisi par un ton qui fait qu’on ne le lâche pas avant
de l’avoir terminé. Antoine Wauters écrit avec un
but déterminé, avec sa propre voix. Un conte dont on ne
ressort pas indemne, tant il est criant de vérité, tant
il reflète ce que l’on peut voir dans notre société
actuelle ou plus ancienne. Voici en tous les cas sur le blog d’Antoine
Wauters, le 4eme de couverture : http://antoinewauters.eklablog.com/cesarine-de-nuit-a40560146
Car je veux de l’amour. Et qu’on me
le donne frais avec une grande pincée
de sel et un pain noir amer que je
peux mordre. Celui que j’aime porte
des bottes, de longs pieds sales, et les
poutres au chantier de la gare, sur ses
épaules. Celui que j’aime a dormi tout
comme moi au beau milieu d’une
phrase, en pleine journée il pleure car
il est triste d’un lieu passé. Je l’appelle
Jules ou je l’appelle Jean-Jules, Yves
ou Damien.
Je ne sais pas pourquoi mais je suis passée à côté
d’Eric Sautou pendant autant d’années
! Grâce à Poezibao,
j’ai lu des extraits de Les vacances aux
éditions Flammarion et il est devenu
évident pour moi que je devais me procurer le recueil. Nouveau
coup de cœur ! Ce livre se compose en plusieurs parties. D’abord,
une sorte de liste, dont voici des extraits :
- Le premier jour des vacances. Le chemin.
La plage de galets.
- Cinq d’une même famille. Frère de mes sœurs.
- Les volets fermés. Qu’est-ce que le temps ?
- Les fêtes foraines. Les grands marchés.
- Les têtards. La rainette. Le parfait coquillage.
- Le bleu du ciel en été.
- L’écume. Le baume solaire. La bouée.
- Les savons parfumés. Le parfum de lavande. Les paysages.
- « Eloignez vous de la bordure du quai s’il vous plaît
»
Puis suivent des poèmes plein de sensations. Remplis d’arbres,
de fleurs et d’eau. On nage parmi ces jolis mots… mais à
bien y lire, s’y glisse des éléments plus subtils
qui nous rappellent le monde dans lequel nous vivons.
Voici des extraits, ils parlent d’eux-mêmes…
le bois rentré nuages d’eau
le jardin rayonnant
c’est la maison la simple maison
(c’est dans la nuit du rêve)
le seul endroit du rêve ce sont les mots dedans
la mer est éblouie « un
air ancien »
dans le monde (lumineux) j’oublie
la belle image
nous allions dans l’eau
de milliers d’étoiles (je ne sais rien du rêve)
les étoiles soulèvent (ont soulevé leurs voix »
j’invente
de quelques mots qu’on épuise des arbres qu’on enflamme
la poésie de l’eau
cette nuit les étoiles
(seules
étoiles la nuit) les étoiles la nuit
(dans l’air froid de la nuit les étoiles la nuit)
Du coup, j’ai eu envie de lire encore du «
Eric Sautou » avec La Tamarissière
toujours aux éditions Flammarion. J’ai
retrouvé cette langue qui bouge et qui ne laisse pas indifférent,
pleine d’arbres, de fleurs, de rêves pour dire ce que la
vie autrement.
je marche aux arbres qui m’entoure
je deviens seul
je vieillis sur le pont je pars
nuit d’avoir mon sang
et le vent de vagues d’écume ma vie la nuit
je vois sous la pluie
seul homme ma vie finira
J’avais lu Dorothée Volut sur le net,
sur les
cahiers de Benji, depuis, j’ai acheté son recueil «
alphabet », un petit extrait…
COMME LES PENSEES LES FLEURS, DEPUIS QUELQUES
JOURS, RECOUVRENT TOUTES LES BRANCHES. LES
MOTS SONT DANS LA SERRE, ILS CHAUFFENT A
L'ECART LES UNS DES AUTRES. ILS SE RENCONTRENT
PEU (LES PAUVRES, ILS VOUDRAIENT DIRE LA VERITE).
ATTENTION JE VAIS DETACHER, PRONONCER ABSOLU,
AU VRAI ABSOLUMENT REMPLI, DE VIE ABSOLUMENT
GONFLEE, DE L'INSTANT NECESSAIRE A CE QUE SOIT
FORME, CE MOT UN MOT LE MOT ATTENTION -
EMBRYON
Une voix à suivre absolument ! Dorothée
Volut écrit à partir de ce qui l’entoure et viennent
les mots… J’ai lu son livre en m’interrogeant fortement
sur ce qui pousse l’écriture à naître.
Mon amie Roselyne Sibille
m’a offert son livre Lumière froissée
édité aux éditions Voix d’encre
avec des encres de Liliane-Eve Brendel. La poésie
de Roselyne me fait penser à la poésie asiatique. Observation
de la nature, vers courts et fulgurants. Les mots, les vers s’aèrent
sur la page, prennent presque la forme de la montagne qu’ils écrivent.
Entre les encres de Liliane-Eve Brendel et les poèmes de Roselyne
Sibille, on sent le souffle du vent, celui qu’il adresse à
la montagne Sainte Victoire qui prend vie, devient une personne, grâce
à ces deux artistes qui ont su lui donner sa lumière.
Le temps est pur
Le ciel a le choix et ne dit pas son
nom
une hirondelle fissure une prière
mauve vaste
Nouveau coup de cœur, une voix que je ne connaissais pas. J’ai
en fait feuilleté au salon du livre à Paris un livre de
Luce Guilbaut et de Danielle Fournier, Iris, paru aux éditions
de l’Hexagone, je me suis de suite sentie proche de ces
écritures et j’ai voulu en savoir un peu plus sur Danielle
Fournier, québécoise. J’ai donc acheté
Je reconnais la patience de l’arbre
paru en 2008 aux éditions Tarabuste.
Il s’agit d’un texte de deuil, vraisemblablement la perte
d’un enfant. Mais c’est un livre magnifique, une poésie
tout en finesse dont je me suis sentie proche…
je ramasse ce qu’il faut pour
construire
les souvenances des grands champs
immergés au printemps
les infinis de l’enfance aux creux
des mains
le cœur flamboyant des mots dérive
jusqu’à moi
certains s’accrochent
d’autres cherchent leur route
plus jamais tu n’es
Chez Gros Textes, j’ai
lu On passe à quelque chose d’Isabelle
Pinçon. Une maison sans confort qui fonctionne par petits
bonds, les plombs qui sautent, les ouvertures étroites, on s’y
gèle les extrémités, l’eau n’est pas
potable, la façon de parler des voisins laisse à désirer.
Bref, cette maison là, on n’a pas trop envie d’y
habiter. Pourtant c’est toute la vie qui passe dans ce recueil
d’Isabelle Pinçon. Le texte est dynamique et devient vite
comme un film avec des acteurs.
Une maison à plusieurs étages
Des lits surexposés
Une maison à étages implique
Des calculs compliqués
Des équilibres à improviser
Le nombre d’étages est à recalculer
Sans cesse
CA NE TIENT PAS BIEN
Merci aux éditions Rafael de Surtis
pour leur envoi. Je découvre ainsi Paul Sanda
avec Slumming on Park Avenue. Ecriture qui
mêle le contemporain avec une forme d’écriture plus
classique « ô oui yes », les & et les
anglicismes. Ce sont de petites proses sans ponctuation sans retours
à la ligne. Des souvenirs de voyage à New York. On y découvre
l’ambiance telle que l’a vécu le poète. La
vie night and day.
IRRESISTIBLE YOU
mais tu es irrésistible &
j'ai toujours su ta
démarche fébrile & le balancement subtil de tes
hanches américaines oui j'ai su central park
avant la marche en silence & bientôt que j'avais
les doigts pleins de ce chili de ces haricots rou-
ges que je m'entendais respirer à ta bouche ah
mais tu es irresistible ainsi comme si je savais
déjà que je pourrai m'assoupir à jamais entre les
lunaires de strawberry fields écraser ce bretzel le
bretzel brisé avec new-york sur la pointe de ton
sein
Et je relis avec plaisir Corinne
Le Lepvrier que nous avons accueillie à notre table
il y a quelques mois avec son recueil la femme elles je
chez Rafael de Surtis toujours. Une voix à
suivre… La femme qui vit, à travers sa sensualité,
sa féminité, ses désirs, celle qui donne la vie,
traverse le temps et l’espace, traverse la vie et refuse la mort
non pas d'une femme mais de toutes ces femmes qui autant soient-elles
ne forment qu'une et une seule femme "je". Et c'est tout cela
qui donne sa force au texte, cette quête de la femme par l'auteur
qui fouille au plus profond et nous la dit, la femme, elle est.
là où quelque
chose
de nos respirations frissonnantes
- hypothèses sur la balançoire-
invente notre langue de demain
là où quelque chose
nous saisit -femmes-
végétations de ciels voilés
à la conquête de l'autorisation
- comme une herbe enroulée-
c'est là
Enfin, je salue le dernier numéro de la revue de poésie
N4728 avec un nouveau directeur : Christian
Vogels. Mr Vogels, je vous rassure, ce premier numéro
assuré par vos soins n’a rien perdu de sa qualité
! Elle reste pour moi une revue phare. Une sélection de poètes
avec de larges extraits, ce qui permet au lecteur d’entrer dans
leur écriture. Des notes de lectures qui donnent envie de lire
les livres critiqués. Bref, pas de grands blablas mais place
aux auteurs. C’est vraiment chouette. Dans ce dernier numéro
on peut découvrir entre autres des textes de Sylvie
Durbec, Cécile Glasman,
Cécile Guivarch, Corinne
Le Lepvrier, Lou Raoul, Serge
Ritman, pour ne citer que les auteurs déjà parus sur
terre à ciel !!!
Cécile Guivarch ~ Avril
2012