TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Affinités poétiques - Florence Noël

 

Sur Florence Noël
Présentation
Descente aux ombres
J'ai tu janvier
Traversée en bordure d'un chemin
Un goût d'éternité
*] Rupture d'étoiles par effet de marée
Sur internet
Bibliographie

Les fiches des affinités
Philippe Alexandre
Teri Alves
Jean-Marc Baholet
Gilles Bizien
Sabine Chagnaud
Corinne Cornec Orieska
Nathalie Cousin
Claude du Peyrat
Didjeko
Catrine Godin
Denis Heudré
Yves Heurté
Ali Iken
Xavier Jardin
Ludovic Kaspar
Léah
Liette la Clochelune
Jennifer Morin
Florence Noël
Porfirio Mamani Macedo
Michel Ostertag
Patrick Packwood
Pant
Hélène Soris
Gertrude Millaire
Orlando Jotape Rodriguez
Philippe Vallet
Accueil Affinités poétiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais il y a l'écumeur des grands chemins, et le coureur des mers.

René Guy Cadou - les liens du sang

Présentation


Née en 1973 en Belgique, Florence Noël a été membre du comité de lecture du site Ecrits-vains et de celui de Francopolis. Elle est l'auteur de poésies, proses, nouvelles. certains de ses recueils sont disponibles sur son site L'âme de fond.

 

Florence Noël - Descente aux ombres


L'exorcisme, réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier. (...) Cette montée
verticale et explosive est un des grands moments de l'existence. On ne saurait assez en conseiller l'exercice à ceux
qui vivent malgré eux en dépendance malheureuse. Mais la mise en marche du moteur est difficile, le presque désespoir seul y arrive.

Henri Michaux



Il faut descendre aux ombres
jusqu’à leur moléculaire inexistence
s’y rassembler de neuf
de ciré, de reluisant
il faut crucifier l’échappée
le chemin clair des filles de mars
leur innocence clouée de grêles
et giboulée
s’enterrer tiède
puis ensevelir chaque pas semé
dans la méticuleuse obsession des vers
pardonner l’écart subtilisant le souffle
sous nos chaussures

Il faut pénétrer nu entier
connaître de la terre l’âcre
le granuleux à même la langue
persévérer
jusqu’aux racines des chevelures
aux cimes des âmes
s’embourber
tuer le cri dans l’antre sourd

Il faut dès lors oublier l’oubli
oublier l’espoir de l’ailleurs
être la quintessence du trou
du vide du manque du désespoir
et même chanter par pulsation humide
des veines garrottées
hanter jusqu’à plus soif
l’univers de l’atroce
greffé en nous
par tout cet amour étrillé

oh mère des mères

là, je suis sûre, là
oui
la raison de vivre se hurlera
irréfutable
et sans appel

 

Florence Noël - J'ai tu janvier

 

j’ai tu janvier
ses vert-de-gris et saumures d’âme
à perte de vie ses champs
de courtes oraisons

tant pèse le froid sur l’épaule
et nos discours gauchis de misères minuscules
alors qu’on se surprend à pister
les ombre effritées des arbres
ou leur nudité précise
figeant les heures dépolies

encore un jour en boule
vous mes enfants vos chairs tièdes
vos mains lourdes aux draps
l’écho du duvet remué
je dis tendresse ces vestiges de rêves
sur l’oreiller

puis s’en aller
prisonnière de matins nocturnes
de retrouvailles frileuses
à la vesprée


ou alors suffoquée
par la lumière délivrée soudain
des vapes d’eaux opaques
stagnant à hauteur de cri

janvier m’a tue
tu oublieras mon tintement, ami lointain
un jour tu traverseras janvier
un oiseau tremblotant sur le doigt
et son envol seul
aura l’orbe de mon visage


mais là
à l’entre-deux de hameaux
nappes servie de givre
je stoppe claire la voiture
sur la peau rugueuse des labours
deux hérons cendrés
transgressent pour moi seule
l’allégeance tristesse

pour tant de joie
non, je ne dis rien
pas encore


Florence Noël - Traversée en bordure d'un chemin

 

J’ai traversé un territoire de neige
à peine plus grand que mon ventre
tu sais
pas plus grand que la main suppliant le givre
de délivrer le mot sacré
gravé sous la langue de tout homme

Alors
des flocons
seraient restés amarrés à mi-chute
parmi eux, je compterais encore les oiseaux suspendus
sans balancements d’ailes
et le cri monocorde des enfants plus jamais essoufflés
pureté d’un diamant trouant la gorge d’un moineau

Ce froid s’arrimait à mes hanches
long serpent de soie blanche
séduisait mon visage pour encrer sa stupeur
au revers de mes pupilles

J’ai traversé le torse d’une montagne
transportant sur mon dos ces phylactères criards
les auréoles brisées de saints cacophoniques,
et ces quelques dessins consumés par des soleils riants
où un enfant avait cru utile de m’inviter
comme unique fête
après la fête

J’ai traversé un pays aux lendemains immenses
un jour pour tout espace
et pas assez de tentes pour qu’y repose toute l’espérance
prophétisée derrière mes pas
dans la transparence des glaciers
des femmes remplissaient des paniers de cerises
à chaque goutte de sang cueilli
leurs bouches se formaient sur leurs faces pétrifiées

d’amour

J’ai traversé une femme aux longs sillons de chair
son cœur poinçonné de l’absence de mon corps
des abeilles travaillaient à son enluminure
et ma nage si lente guérissait son giron
déserté par les anges et l’or des matins
et enfin rendue à la jouissance du plein
j'ai traversé ma naissance.

 

Florence Noël - Un goût d'éternité


oui dire que depuis lors

nous avions l’orgasme des pauvres
la jouissance des mutismes enclavés
nos bouches parfois
préludaient aux soupirs des trépassants
salivaient les cris d’enfants à naître

oui, nous, les dépenaillés, les aphoniques, les terreux, les légers
possédions l’or intemporel des paroles élucidées
et enfuies sous la peau

de ceux que nous étions avant,
il en restait encore et d’aussi loin,
on sentait l’odeur de leur colère
et chacun de nos refus
brusquait leurs pas

quoi ! l’infamie du silence
encore ces icônes effleurées
mais évaporées d’ambre maintenant…
le goût d’éternité obsédait leurs papilles

il arrivait qu’ils se saisissent de nous
tenailles et tisonniers
amadouements de bouches par fers et feux
ripaille de susurrements
pour délivrer enfin
ce mot sacré gravé sous la langue de tout homme

mais quoi qu’en disaient ces sorciers d’exactitudes,
ils n’avaient du sacrement qu’une extraction faible
falotes réminiscences des puits
des abysses en cascades
et de leurs propres échouements

rien de perle ni d’incarnat
rien d’apparat ni de soie
ni des notes si juste qu’à mourir ils vivaient
rien de plus sublime que la nervure blanchie
d’un caillou de rivière

alors,
ils semaient nos langues aux tourbes
mais l’on voyait grandir des fruits putréfiés dès la graine
ils s’enduisaient de nos souffles
millimètre par millimètre
puis gonflaient leurs hanches et renversaient leurs faces
mais une aumône de pluie remerciait invariablement
tout simulacre de sens

la pitié nous hantait plus sûrement que la peur
en guise de rituel
nos tambours éclataient en des rixes nocturnes
pour accueillir les nôtres revenus de ces battues

enduite sur nous la suie de tant de rages stériles
et nos peaux hurlaient leur douleur d’avoir été ceux-là
d’avoir cru s’affranchir du mystère
comme de la faim ou de la soif

parmi les forêts aériennes bruissaient quelques fantômes
apaisant l’heure
et nous sombrions dans la couleur éviscérée des sanglots réappris

puis le matin
toujours
nous comptait plus entier que la veille

( extrait des « Fantômes de l’infini peu » recueil en cours d’élaboration)

 

Florence Noël - *] Rupture d'étoiles par effet de marée


c’est un phénomène rare,
peu connu à l’échelle d’un corps,
l’espacement des voyelles dans le gémir du feu
son accolade avide
l’étirement d’une parenthèse jusqu’à la confusion des confins
en l’ombre identique de l’enfant à l’œuf du sien au sein
du bang au big

il s’ensuit une certaine couleur
le bruit de l’ocre lorsqu’il lacère ses jaunes
pour autant que couleur soit de ces contrées et qu’elle ait assez d’air nécessaire
pour être prononcée par un des nôtres énucléé d’amour

c’est la tribulation d’un battement de chemise sur le poitrail d’un homme figé par l’oubli
enraciné au seuil d’une maison ouverte juste comme la sienne il y a de cela la moitié de sa vie, ou celle de son enfant ou de son père qu’importe ; la moitié juste

il s’ensuit un frôlement de soie, mais à l’échelle d’une planète, la rotondité émoussée et la consternation des ténèbres qui s’accumulent d’un coup, uppercut de matière ramassée en noyau d’elle pour féconder un instant immature mais éternel, prestidigitation d’abîmes initiés

et cette couleur toujours ocre
ou brune feu molli de terre
ou l’équivalent dans la moue des gaz en fusion

c’est le suave, le grave, le délaissement du geste sur l’accoudoir usé et ce moelleux qui conserve par sa nature fidèle l’impression inchangée d’accueillir, ou de consentir recevoir, simplement, la main gravelée impavide, surprise de la lourdeur du jour puis de la légèreté du soutien, la main d’une femme vainement brassant l’ombre dans la chaleur d’un été anonyme

il s’ensuit tout ce charabia de théories mortes nées, d’enthousiasme scribal sur papier soluble dans l’ignorance des simples : une couleur ocre rouge, une ablation des bordures, des frontières pour un ravalement de surface, un éclatement par absorption de matière, une marée infirme d’évanescence, la plus gravide bouchée d’étoile que l’oeil noir ait arraché à la contemplation

c’est le bâton trouant la feuille, le battement boudeur d’un petit bras qui défait l’ennemi végétal dans le jardin gardé de fleurs brumeuses, dentelles de mère, bruine rapide courant les bras les jambes, de l’herbe sous les pieds aux cheveux frictionnés par l’ennui qui occupait ses mains là, puis l’appel au repas et le bâton gisant, signant la mort du soleil la déglutition des rayons par ce grand vaisseau de charbon car la nuit, la nuit,

il s’agit d’une rupture [déglutition sèche]
dans un silence atroce mais éviscéré [un chant d’homme à la mort]
une rupture cosmique sans émotion [une naissance inconsciente]
par effet de marée
disent-il
par effet d’amnésie [toi]
par effet de lassitude [moi]
par effet d’ennui [cet espace entre]
qui sait, le nôtre, à cause des nôtres, peut-être [eux]
cette rupture d’étoile [l’enfant]
un ciel un peu plus noir dans un millier d’années [ *


Florence Noël sur internet

 

Bibliographie


• la revue La Page Blanche, janvier 2005 (extraits du recueil "Moments d'île" à deux voix de Florence Noël et Stéphane Méliade
• la revue Bleu d'Encre, décembre 2004
• la revue Le Spantole, août 2004 et janvier 2005
• la revue Microbe, juillet 2004
• la revue Inédit Nouveau, février 2001 et décembre 2001,
• la revue An plus, AN+ N°10, juin 2002, de janvier 2002),
• la revue Les Deux cadets, n° 3 et 4, voir lien ci-contre.
• le recueil "Visages", publié à l'initiative d'Ecrits-vains.
• le Collectif « Lumières »,, publié à l'initiative de 00h00.com, voir lien ci-contre.
• la revue "Nouveaux délits", Numéro trois, Janvier 2004
• nouvelle "Le voyage du seuil", publiée dans une anthologie de nouvelles aux éditions Gros textes et Décharges, en janvier 2002 : Les belles palissades sous la direction d'Alain Kewès.

Recommander ce site Tous ces extraits sont tous droits réservés - Demandez l'autorisation à l'auteur pour les reproduire